Je suis en bois, roman

Giulia Carcasi

Héloïse d'Ormesson

  • 17 juin 2015

    "Nous autres femmes sommes ainsi faites, nous nous imaginons que tout dépend de nous, qu'il suffirait de déplacer une virgule pour changer le destin."

    Une sonate à deux voix, celle de Giulia, la mère puis celle de Mia, sa fille de dix-huit ans.

    La jeune fille s'étourdit chaque samedi dans une foule d'endroits et de visages. Et puis le dimanche "tire une gueule" de famille. La communication est rompue entre les deux femmes.

    A la lecture d'un journal intime, les deux voix vont se superposer pour confier les impressions de deux générations distinctes. La mère évoque cette jeunesse des filles de porcelaine, celle des filles considérées comme des jolies sottes à l'époque où une femme sans hommes n'est même pas une moitié. Giulia parle de ce manichéisme où la femme était soit putain ou épouse. L'époque de celle qui fait l'amour en catimini un après-midi et celle de la jeune fille qui rentre le lendemain.

    L'amour perçu comme un sacrifice social pour la mère, qui sait désormais que manger sain ne la sauvera pas, alors autant manger fou.

    L'échange n'est pas simple entre les deux femmes parce que "nous fantasmons sur ce qui se passe derrière les portes des autres, nous nous persuadons que notre vie dans un autre cadre se serait déroulée autrement, nous cherchons d'autres pères, d'autres mères, les protections que nous n'avons pas eues. Nous nous en prenons au destin, qui nous a fait naître ici plutôt que là, parce qu'il faut bien s'en prendre à quelqu'un. Parce que rien n'est pire que l'idée, partant d'hypothèses différentes, que les choses se seraient passées de la même façon."

    C'est l'histoire de deux personnes qui se superposent brièvement, de celles qui ne veulent pas reproduire les erreurs de leur mère, mais qui en font d'autres, puis chacun reprend son histoire et son chemin.

    "J'avais enfin une nouvelle maison, sans les silences de mon père ni les faiblesses de ma mère. J'avais chaque jour un devoir à accomplir pour cette liberté[...]".

    Naît-on silencieuse ou le devient-on? Passer d'un silence à un autre, celui des familles, celui des secrets, des blessures, celui de la bouche close d'un homme, non plus un père mais un mari. Les paroles sont en quantité déterminée, peut-être les erreurs d'une mère se poursuivent-elles dans la sang des enfants?

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    Un beau roman choral sur la féminité et en creux un silence d'une douleur profonde, celle d'un aveu difficile.

    Traduction de l'italien par Marianne Véron.